vendredi 19 décembre 2014

Je suis né un jour bleu - Daniel Tammet

Born on a blue day, inside the extraordinary mind of an autistic savant (Hodder & Stroughton, 2006)
Traduit de l'anglais (Grande-Bretagne) par Nils C. Ahl
Editions J'ai lu, 281 pages

Quatrième de couverture : 

"Je suis né le 31 janvier 1979. Un mercredi. Je le sais parce que dans mon esprit, le 31 janvier 1979 est bleu."

Daniel Tammet est un autiste savant aux capacités hors du commun, un génie des nombres. Il a ainsi mémorisé les 22 514 premières décimales de p, parle sept langues et a appris l'islandais en quatre jours. Pour lui, les nombres sont des formes et des couleurs.



Dans ce témoignage plein d'esprit, il explique comment il a mis toute son énergie pour sortir de ces ténèbres qui l'ont longtemps coupé du monde et comment il a réussi à se socialiser.

Un voyage en couleur qui entrouve la prison de l'autisme.

L'important n'est pas de vivre comme les autres, mais parmi les autres  
Daniel Tammet

Voilà le livre le plus étonnant que j'ai lu en 2014.
Il s'agit du témoignage de Daniel Tammet, atteint du syndrome d'Asperger. J'ai particulièrement aimé le fait que cette histoire nous soit racontée avec simplicité, comme si l'auteur était assis à côté de nous et nous racontait sa propre expérience. 

Aîné d'une fratrie de neuf enfants, Daniel Tammet nous explique comment le syndrome d'Asperger a affecté son quotidien, depuis son enfance jusqu'à l'âge adulte, et  nous emmène  dans son monde intérieur.
Il a un besoin presque obsessionnel d'ordre et de routine  qui le rassurent (comme manger 45 grammes de porridge au petit déjeuner, ni plus ni  moins). L'imprévu le stresse, jusqu'à devenir une réelle douleur physique. 
Il ne perçoit pas une question non explicite - comme par exemple la formulation "4 fois 7 ?" - comme une question mais il a appris avec l'expérience à reconnaître ce mode d'expression. Le problème étant, à la base, qu'il ne savait pas que son interlocuteur attendait une réponse et donc qu'il ne répondait pas.
Son esprit perçoit les détails mais en revanche il a du mal a avoir une vue d'ensemble comme dans l'exemple ci-dessous : 



La plupart des gens voient d'abord le grand A et le grand H et seulement ensuite remarquent que le grand A est composé de petits H et inversement. Pour Daniel Tammet c'est le contraire :

Dans mon cas, comme la plupart des autistes, l'interférence est inverse et je me bats pour distinguer la figure d'ensemble parce que mon cerveau se concentre tout de suite sur les détails. (p 58)

Par ailleurs il  a  un don extraordinaire pour les nombres et les langues (voir quatrième de couverture ci-dessus), mais ce qui m'a le plus fascinée est sa synesthésie :

Mon expérience visuelle et émotionnelle des nombres correspond à ce que les scientifique appellent la synesthésie. Il s'agit d'une confusion neurologique des sens, très rare, le plus souvent la capacité de voir les lettres et/ou les nombres en couleur. Ma synesthésie est d'un type inhabituel et complexe, car les nombres m'apparaissent comme autant de formes, de couleurs, de textures et de mouvements. Le nombre 1, par exemple, est d'un blanc brillant et éclatant, comme quelqu'un qui dirige le faisceau d'une lampe torche directement dans mes yeux. Cinq est un coup de tonnerre ou le son des vagues qui se brisent sur des rochers. Trente-sept est grumeleux comme du porridge, alors que 89 me rappelle la neige qui tombe. (p11)

Ainsi l'univers des nombres correspond chez Daniel Tammet à des paysages numériques... 
De même il perçoit les mots en couleur, il pense d'ailleurs que cette faculté n'est pas étrangère à sa facilité pour apprendre les langues. 
En ce qui concerne la synesthésie, j'ai l'impression de voir un artiste qui peint avec les mots et les nombres. 
Il peut en résulter pour l'auteur une impression de bonheur, de bien être quand les mots correspondent parfaitement à leur couleur ou de malaise dans le cas contraire :
une framboise - raspberry - est à la fois un mot et un fruit rouge,  
voir [...] le prix d'un article "99 centimes" écrit en rouge ou vert (au lieu de bleu) - m'irrite et me met mal à l'aise. (dans l'esprit de Daniel le chiffre "9" est bleu, comme le mot "mercredi").

Son récit est assorti de nombreux exemples pour nous aider à comprendre comment il perçoit le monde qui l'entoure. Je regrette simplement l'impression du livre en noir et blanc car les couleurs jouent un grand rôle dans l'univers de Daniel Tammet et de ce fait je pense que les exemples visuels perdent en intensité.

Le récit de Daniel Tammet nous donne une belle leçon d'humilité autant qu'un formidable message d'espoir. Certains actes du quotidien relèvent pour lui du défi, un imprévu étant susceptible de dégénérer en panique mais il a réussi à les maîtriser, à les surmonter et il voyage (il a notamment travaillé un an comme bénévole en Lituanie, a participé au tournage d'un documentaire ainsi qu'à une émission de télévision aux Etats-Unis), il vit en couple et  il a créé un site internet d'apprentissage de langues.
En mars 2014, il a récité en public au Musée de l'histoire des sciences d'Oxford les 22 514 premières décimales de p, une opération destinée à recueillir des dons pour NSE (National Society for Epilepsy)

Je trouve que c'est un parcours exceptionnel, surtout quand on sait que Daniel Tammet  est né en 1979 et que le syndrome d'Asperger n' a été identifié qu' en 1994.
Même si des résultats de recherches existaient déjà, cela n'a rien d'évident de grandir en se sentant différent des autres sans comprendre pourquoi et j'admire également ses parents qui ont su l'accompagner et l'entourer pour contribuer à son épanouissement.

On a récemment détecté chez mon frère cadet, Steven, une forme d'autisme de haut niveau. Comme le mien. A 19 ans, beaucoup de défis l'attendent, qui ont aussi été les miens, de l'angoisse et de la solitude jusqu'aux incertitudes de l'avenir. Quand j'étais enfant, les médecins ne savaient rien du syndrome d'Asperger (il n'a été identifié qu'en 1994) et pendant plusieurs années, j'ai grandi sans comprendre pourquoi je me sentais si différent des autres, en marge du monde. En décrivant ce qu'a été mon expérience de l'autisme, j'espère aider d'autres jeunes gens, comme mon frère Steven, à vivre leur autisme de haut niveau, à se sentir moins isolé et à avoir confiance, en sachant qu'il est possible  d'avoir finalement une vie riche et heureuse. J'en suis la preuve vivante. (p 24)







Challenge Petit Bac 2014 (rubrique couleur : bleu) chez Enna



5 commentaires:

  1. J'avais commencé à le lire (et m'ennuyais), j'aurais sans doute dû persévérer, ce que tu dis est passionnant

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  2. Il a l'air très intéressant, car c'est un thème que je n'ai jamais lu!

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  3. Tu as dû apprendre pleins de choses de cette lecture.

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  4. C'est un livre que je serais très curieuse de découvrir! =)
    Merci beaucoup pour ta chronique!

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