Traduit de l'anglais par Anne-Marie Carrière
Editions 10/18, collection "Grands détectives", 2003 pour la traduction française, 414 pages
Le début : Alors que Charlotte et Thomas assistent avec Caroline Ellison, la mère de Charlotte, à une représentation théâtrale, le juge Samuel Stafford s'écroule sous les yeux de sa femme Juniper dans une loge voisine. L'avocat Aldolphus Pryce et le juge Livesey, qui se trouvaient également dans des loges toutes proches, accourent pour prêter secours. Le juge Stafford décédera quelques instants plus tard. Empoisonné. De l'opium est retrouvé mélangé à du whisky dans une flasque lui appartenant. Il s'agira alors pour Thomas de trouver quand et par qui l'opium a été introduit dans la flasque.
Thomas s'étant trouvé sur les lieux du crime, l'enquête lui est confiée.
Très vite, il découvre que le juge Stafford s'apprêtait sans doute à rouvrir le dossier d'Aaron Godman, condamné cinq ans plus tôt à la pendaison pour le meurtre de Kingsley Blane. Pour cette affaire, le juge Stafford et le juge Livesey avaient siégé en appel, Aldolphus Pryce représentant l'accusation.
Cinq ans plus tôt : Le corps de Kingsley Blane est retrouvé crucifié sur la porte d'une écurie de Farriers' Lane ( traduction : l'allée des Maréchaux Ferrant), le flan transpercé, probablement par un clou à ferrer. A l'horreur du crime s'ajoute son caractère blasphématoire, qui, selon l'opinion publique, trahit un coupable juif (le Christ ayant été condamné et crucifié par des juifs). Or, la victime était l'amant d'une actrice juive, Tamar Macaulay. Très vite les soupçons se portent sur le frère de cette dernière, Aaron Godman, aperçu tout près de Farriers Lane, le manteau taché de sang. L'opinion publique crie vengeance justice, le Préfet de police harcèle les hommes chargés de l'enquête, les politiciens veulent à toute force un le coupable, des émeutes antisémites ont lieu dans la capitale... il existe d'autres suspects : un ami de Kingsley Blane qui s'était querellé avec lui le soir même et Joshua Fielding, acteur et ancien amoureux de Tamar. Même si certains points de l'enquête demeurent un peu flous (il n'est pas prouvé que le flanc de K. Blane ait été réellement transpercé par un clou à ferrer et l'arme du crime n'a pas été retrouvée, un témoin a changé sa version des faits, la ruelle où Aaron Godman a été aperçu n'était pas bien éclairée) les preuves contre Godman sont jugées accablantes. Le procès est mené rondement mais "équitablement" et Aaron Godman est condamné à la peine de mort. Sa sœur Tamar ne cessera pourtant de clamer son innocence et pendant cinq ans, suppliera le juge Stafford d'examiner à nouveau les faits.
Pour Thomas, qui est amené à étudier de près l'affaire Blaine/Godman, les choses se compliquent lorsqu'il découvre que Juniper Stafford et Aldolphus Pryce ont une liaison. Il ne peut donc exclure l'hypothèse d'un crime passionnel. Pour couronner le tout, son supérieur Micah Drummond a la tête ailleurs, et surtout auprès d'Eleanor Byam (rencontrée dans le tome précédent, Belgrave Square), et sa belle-mère s'est éprise d'un des suspects possibles, l'acteur Joshua Fielding. Charlotte, pourtant peu encline à respecter les conventions sociales, non seulement s'inquiète à l'idée de Joshua Fielding puisse être coupable, mais est persuadée que sa mère va se ridiculiser à afficher son penchant pour un homme qui a 15 ans de moins qu'elle.
L'enquête piétine un long moment mais des rebondissements surviennent dans les 130 dernières pages et le rythme s'accélère. C'est un tome particulièrement sombre, avec l'antisémitisme pesant qui règne sur l'affaire, mais le climat me semble malheureusement assez réaliste car à cette époque en Angleterre (et ailleurs) la population d'origine juive était ostracisée. J'ai trouvé que les réactions des uns et des autres, juges, enquêteurs, témoins, suspects, famille, étaient bien vues. On y trouve un échantillon assez réaliste des réactions humaines : le gamin des rues qui craint de se retrouver en prison, la colère d'une population qu'on craint de ne pouvoir maîtriser, ceux qui se trompent en toute bonne fois, ceux qui campent sur leurs positions et qui ne supporteraient jamais de perdre la face, ceux qui doutent, ceux qui éprouvent du remord...
Ce qui est tragique et révoltant, dans ce tome, c'est le poids des préjugés et à quel point certains s'y cramponnent, persuadés dans leur aveuglement d'avoir raison ... et les préjugés, ici, ils sont légion : la justice britannique est la meilleure du monde et d'ailleurs sert de modèle, les actrices ne sont ni plus ni moins que des filles publiques, antisémitisme... préjugés et superstitions dignes du Moyen-Age et qui, on le voit, frappent toutes catégories sociales et ne sont pas propres aux personnes n'ayant pas reçu d'éducation.
C'est aussi une invitation à la réflexion sur les failles du système judiciaire.
Au niveau "technique", je pense que le lecteur flaire assez vite certains éléments dès le départ, néanmoins
l'intérêt pour l'enquête reste éveillé car il y a plusieurs niveaux d'intrigues. J'avais trouvé une partie des réponses (dont une juste avant Charlotte) mais il y a un détail que je n'ai découvert qu'à la fin... jusqu'au bout je me suis demandée comment le coupable s'y était pris.
Emily, partie se reposer à la campagne, est absente de cette histoire, Tante Vespasia ne fait qu'une brève apparition. C'est la mère de Charlotte qui est mise à l'honneur ici et j'aime beaucoup la façon dont sa vie évolue, on la sent se libérer des conventions sociales auxquelles elle s'est pliée une bonne partie de sa vie.
Je me suis à nouveau réjouie de l'intervention de la jeune Gracie, je trouve que c'est un personnage très attachant.
Comme toujours, Anne Perry a le don des descriptions qui donnent l'impression de se retrouver dans le Londres victorien.
Lecture partagée avec Bianca, Fanny, Sybille, Claire, Céline
Rendez vous le mois prochain pour la quatorzième aventure de Charlotte et Thomas dans : Le bourreau de Hyde Park
Il va vraiment falloir que je lise du Anne Perry, ça m'intrigue sérieusement ses romans !! Je pense que je vais m'en mettre sur ma wishlist :)
RépondreSupprimerJe te l'ai dit, j'ai eu ma période (avec une amie aussi, qui en raffolait)(d'où des cadeaux pratiques!)
RépondreSupprimerJe reviens toujours à Anne Perry quand je ne trouve rien d'autre. Je dis ça dans un sens positif, c'est pour moi une valeur sûre vers laquelle je me tourne en étant certaine d'y trouver un grand plaisir.
RépondreSupprimerA chaque fois les préjugés en tous genres sont insupportables et étouffants, on se demande comment les gens , et surtout les femmes , arrivaient à supporter ça!(Tu me diras , aujourd'hui on en a d'autres ..)L'histoire de la mère de Charlotte , qui va braver les codes de la société, est une vraie bouffée d'air frais.J'en suis bien plus loin dans la série, à jour du dernier car je les lis depuis longtemps , mais tu vas finir par me rattraper.
Bonne soirée!
C'est vrai que les préjugés sont très présents dans ce roman.. Je me suis d'ailleurs dit, que de ce point de vue là, on n'était guère plus évoluer un siècle plus tard...
RépondreSupprimerJ'ai aussi beaucoup aimer le rôle de Gracie dans ce tome ! J'espère la retrouver aussi présente dans les prochains tomes !
Merci pour cette participation ! Cela fait longtemps que je n'ai pas lu un A. Perry, cette enquête me tente bien !
RépondreSupprimerComme toi, j'ai beaucoup aimé. Le fait que Caroline soit mise en avant rajoute un atout à l'histoire, cela permet d'alterner les personnages :-)
RépondreSupprimerEncore une fois, nous avons toutes le même ressenti sur ce volume, Anne Perry sait si bien nous dépeindre les mentalités victoriennes qu'on prend toujours beaucoup de plaisir à la lire. On continuera à retrouver Gracie et à la voir évoluer au fil des tomes, c'est ce qui est bien aussi dans cette série, c'est de voir chaque protagoniste évoluer
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup les images que tu as intégré à ton article. ;) Encore une enquête intéressante. Pourvu que ça dure!
RépondreSupprimerTu commences à avoir une sacrée expérience en Anne Perry !!! Quel est ton préféré ?
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