vendredi 30 mai 2014

Les petits pains de la pleine lune - GU Byeong-mo

Titre original : Wizard Bakery 
Roman traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Françoise Nagel
Ouvrage publié avec le soutien de l'Institut Coréen pour la Traduction Littéraire, Séoul
Editions Philippe Picquier, 2010 pour la traduction française, 2013 pour l'édition de poche, 221 pages

Quatrième de couverture :
Comme toute bonne boulangerie-pâtisserie, il y en a pour tous les goûts dans ce petit livre : du mystère, des choses graves, de l'humour (noir), de la tendresse (cachée).
Le héros est un jeune garçon coréen, sa mère s'est suicidée quand il était enfant et sa belle-mère le harcèle moralement. Un jour, il s'enfuit de chez lui et trouve refuge dans une pâtisserie, lui qui n'était pourtant pas fan de gâteaux !
Là il fera connaissance d'une fille pas comme les autres, Oiseau-Bleu, et d'un pâtissier un peu sorcier.
Car dans cette boutique vraiment banale en apparence, on confectionne des gâteaux aux pouvoirs étonnants, qui sont vendus sur Internet. Mais attention !
N'oubliez pas que la magie peut toujours se retourner contre vous.


Il m'est un peu difficile de parler de ce livre car si j'en ai aimé certains passages, j'ai eu un peu de mal à entrer dans l'univers de l'auteur. Le fond de l'histoire m'a laissé une impression de malaise.


En fait, quand j'ai vu qu'il était question de pâtisseries magiques, je m'attendais à un univers assez poétique - comme avec les recettes de Sadie dans Jack Rosenblum rêve en anglais de Natasha Solomons - alors que  ce conte-ci est au contraire très noir.

Le récit est raconté à la 1ère personne par un jeune garçon d'environ 15 ans. Il souffre de bégaiement depuis la fin de l'école primaire, mais ce bégaiement disparaît lorsqu'il lit à haute voix.

Cet adolescent n'a pas été épargné par la vie. Sa mère s'est suicidée alors qu'il avait 6 ans, après avoir fouillé le compte Messenger de son mari et fait une découverte qui l'a bouleversée. Une première tentative a eu lieu dans les toilettes d'une gare, après avoir laissé le petit seul dans le hall avec un petit pain de la pleine lune et lui avoir promis de revenir 10 mn plus tard. 

Au fil des pages, le portrait du père - et du couple - se dessine : une femme malheureuse mariée à un homme pour qui l'épouse n'est destinée qu'à lui assurer un confort domestique. 

Quelques temps  après le suicide de sa femme, le père s'est remarié avec Mme Bae.

Le premier mariage de Mme Bae s'était soldé par un échec. Aussi voulait-elle à tout prix réussir son union avec son nouvel époux. Mais mon père ne répondait pas à ses attentes. Pas étonnant ! Il ne s'était marié que pour convenances personnelles. Il avait payé un bon prix une agence matrimoniale pour trouver une femme dotée d'une position sociale convenable, disposée à s'occuper de son ménage et de sa vieille mère. Pour lui, le marché était avantageux.(p 29)

Désabusée et furieuse, Mme Bae s'est révélée une vraie mégère qui a rapidement pris le jeune garçon en grippe et le harcèle continuellement, sous l'indifférence totale du père. 
Peu à peu le jeune garçon s'isole. Sur le trajet du lycée à son domicile se trouve une pâtisserie ouverte 24h/24. Il a pris l'habitude d'y acheter des brioches et de manger tout seul dans sa chambre.
Jusqu'au jour où tout bascule : il se retrouve accusé du viol de Mouhui, 8 ans, la fille de Mme Bae, viol dont il est innocent. S'ensuit alors une course poursuite où le jeune garçon s'enfuit de son domicile et trouve refuge dans la pâtisserie dont il est un client quotidien.

Le pâtissier, un original - un barjo comme dit le jeune garçon - accepte de cacher le fugitif. En échange celui-ci se voit confier la gestion du site en ligne de la pâtisserie : The Wizard Bakery.
Un commerce différent de celui de la boutique car les pâtisseries du site en ligne ont des pouvoirs magiques... 

Cet univers de senteurs délicieuses, petits pains gonflés et dorés, de flans, d'effluves de cannelle donne l'eau à la bouche... Et manger - ou offrir - un gâteau pour résoudre ses difficultés, quel rêve ! D'autant qu'il y en a pour tous les problèmes, ou presque :-) :

Flan porte-bonheur 
A consommer en cas de stress important (examen, voyage d'affaires...). Ce gâteau chassera les mauvais esprits, un peu à la façon d'une amulette comestible.

Scone de la paix aux raisins secs 
A offrir à la personne avec qui vous voulez vous réconcilier. ça marche à tous les coups, sauf si vos excuses ne sont pas sincères.

Madeleine du cœur brisé à l'ananas
Ce gâteau vous fera rapidement oublier vos blessures d'amour. A consommer avec modération. Car celui qui oublie trop vite perd sa sincérité.

Macaron de la mémoire aux amandes
Si vous voulez découvrir ce qui se cache dans votre mémoire et votre inconscient, ce biscuit est pour vous. Mais prudence ! Il risque de vous rappeler de mauvais souvenirs.

Financier sosie 
Un financier sosie le soir avant de vous coucher et le lendemain , votre double ira au travail ou à l'école à votre place. Vous pourrez alors vous reposer tranquillement à la maison. Mais n'allez surtout pas rejoindre votre double. L'un de vous deux pourrait disparaître pour toujours. Quant à savoir lequel...

Mais dans ce conte la magie côtoie la noirceur, il semblerait d'ailleurs qu'elle révèle les bas instincts de l'âme humaine : poupées vaudou  et autres gâteaux bien moins anodins que des flans porte-bonheurs peuvent  aussi sortir des fourneaux... et certains ingrédients ajoutés par le pâtissier sont de nature à couper l'appétit.

Ce conte montre une facette de la société coréenne assez sombre. Je l'avais déjà évoqué dans La femme dans la littérature coréenne : cette société paraît assez dure et la femme n'y a pas la vie facile.

Ici, le père du héros est un homme exécrable. J'ai été surprise également de voir que le peu de considération des hommes envers les femmes était parfois relayé par d'autres femmes comme ici la grand-mère qui a inscrit son fils dans une agence matrimoniale (il ne s'est même pas inscrit lui même !) pour qu'il se remarie et ait quelqu'un qui s'occupe de son foyer. 
Ainsi sa réaction lorsque le père refuse d'épouser une prétendante :
Folle de rage, ma grand-mère est repartie dans sa campagne en le menaçant :
- Ne songe même pas à revenir à la maison pour la fête des Moissons, tant que tu n'es pas marié !
ou
Ma grand-mère, qui est allée voir une agence matrimoniale spécialisée dans les remariages, est rentrée à la maison avec quatre photos qu'elle a montrées à mon père. [...]
Je regarde le cliché du coin de l’œil. Mon père a choisi la plus moche des quatre, juste pour satisfaire sa mère. Quand ma grand-mère a sorti les dossiers de son sac, elle lui a dit :
- Une femme trop belle n'attire que des ennuis. Il suffit qu'une épouse ne soit pas laide à faire peur et ait bon caractère.

Ce passage pourrait prêter à rire s'il ne révélait pas, je le crains, une certaine réalité de la société coréenne.
J'avais déjà remarqué le même genre d'idée dans Bienvenue de Kim Yi-seol, où la belle-mère se lamente parce que sa belle-fille "veut pousser son mari à travailler" alors qu'en fait la jeune femme en est arrivée à se prostituer pour faire survive sa famille... et ce sans que cela ne dérange plus que ça le mari.

Une société où l'enfant se fait gifler en classe parce qu'il bégaie et n'arrive pas à répondre à une question simple.
La dureté est souvent présente dans la façon de s'exprimer également.
J'ai été surprise, aussi,  que le pâtissier ne cherche pas à savoir pourquoi le jeune homme s'est enfui de chez lui. Il lui vient en aide  parce que c'est son meilleur client (!) Heureusement, leur relation évoluera au fil du temps.

J'ai aimé la fin ouverte, qui suggère deux issues possibles et qui montre que ce n'est pas parce qu'on a le pouvoir de revenir en arrière et de changer les choses qu'elles se dérouleront forcément mieux.

Un roman qui, au travers d'un conte, invite à réfléchir.

J'ai beaucoup aimé également le mot de l'auteure, à la fin, dont voici les dernières lignes :

Ce roman est une histoire de choix. Statistiquement parlant, on a plus de chances de faire le mauvais choix que le bon, tout comme, au jeu de dés, on a plus de chances de tomber sur les mauvais numéros que sur les bons. Malgré tout, chacun doit subir les conséquences de ses décisions.
La plupart des gens acceptent ce que la vie leur réserve : les blessures, la perte de leur logement, les conflits. Aussi me suis-je abstenue d'assaisonner mon roman de notes optimistes, comme la guérison, la réconciliation ou l'espoir en l'avenir. 
Je remercie sincèrement ceux qui m'ont supportée et continueront de le faire.






GU Byeong-mo est née à Séoul en 1976. Les petits pains de la pleine lune est son premier roman.







Livre lu dans le cadre des challenges Printemps Coréen et Des contes à rendre chez Coccinelle,  du challenge La plume au féminin chez Opaline. et du challenge Petit Bac 2014 chez Enna (ligne générale, catégorie moment/temps avec PLEINE LUNE dans le titre)



mercredi 28 mai 2014

En juin, le mois anglais revient !

En juin, le mois anglais revient pour sa troisième saison, organisée par Cryssilda Titine et Lou.



En juin, rien n'échappera à la sagacité d' Hercule Poirot


En juin, nous allons vivre à l'heure anglaise


Nous allons déjeuner anglais


Nous allons rêver en anglais



Et partager quantité de lectures passionnantes, d'auteurs anglais ou dont l'intrigue se déroule en Angleterre.


Des lectures communes sont déjà prévues

02 juin : Jane Eyre de Charlotte Brontë, lecture proposée par Soie
07 juin : un album au choix, lecture proposée par Hérisson
08 juin : Maisie Dobbs de Jacqueline Winspear
09 juin : un livre de Dickens, au choix
10 juin : Waterloo Necropolis de Mary Hooper
11 juin : Comme il vous plaira de William Shakespeare, lecture proposée par Maggie et Claudia Lucia
14 juin : un Jonatha Coe au choix
15 juin : un livre de Nick Hornby au choix
17 juin : un livre de Daphné du Maurier au choix
19 juin : un livre de Wilkie Collins au choix, en association avec le challenge British Mysteries chez Lou
20 juin : Harry Potter de J.K. Rowlings, lecture proposée par Valérie et Galéa
21 juin : un roman de Kate Atkinson pour Karine, Grominou et Anne
23 juin : La déchéance de Mrs Robinson de Kate Summerscale en association avec le challenge XIXème siècle chez Fanny
26 juin : un livre de Vita Sackville-West au choix
27 juin : un live de Barbara Pym au choix
28 juin : un livre d'Agatha Christie au choix
29 juin : un Julian Barnes au choix
30 juin : Les Hauts de Hurvelent d'Emily Brontë

Et aussi un livre de Jasper FForde au choix (date à déterminer), lecture proposée par Cléanthe.

Je suis déjà inscrite pour les LC  Jane Eyre et  La déchéance de Miss Robinson.

Le 3 juin, je participerai à la lecture mensuelle de la série "Charlotte et Thomas Pitt" d'Anne Perry avec Bianca, Fanny, Sybille, Céline et Claire

J'espère participer à la LC Daphné du Maurier avec Ma cousine Rachel


Et j'ai dans ma PAL : Miss Mackenzie de Trollope, Londres la nuit de Dickens, Graveney Hall de Linda Newbery, Lady Susan de Jane Austen, Lettre à un jeune poète et Mrs Dalloway de Virginia Woolf, L'affaire Jane Eyre de Japser Fforde, Un intérêt particulier pour les morts d'Ann Granger, Sept mers et treize rivières de Monica Ali, Le secret de Lady Audley de Mary Elizabeth Braddon...

Evidemment, je n'aurai pas le temps de tous les lire pour le mois anglais. Je verrai en fonction de mes disponibilités.


Inscription chez les organisatrices ou sur Le groupe Facebook du challenge. Nous sommes déjà plus d'une cinquantaine ! :-)


Cette année, les participants qui le souhaitent sont invités à créer des logos pour ce challenge. J'en ai réalisé deux, et il y en a déjà toute une collection plus jolis les uns que les autres sur Facebook, ils circuleront bientôt sur nos billets.




Bon challenge à tous, et excellent mois de juin à tous, que vous participiez ou pas.


dimanche 18 mai 2014

Un étranger dans le miroir - Anne Perry

Titre original : The Face of a Stranger (1990)
Traduit de l'anglais par Roxame Azimi
Editions 10/18, Département d' Univers Poche, 1998 pour la traduction française


Quatrième de couverture :
William Monk, inspecteur de police chevronné, se réveille à l'hôpital. Violemment agressé il y a quelques semaines, il a perdu la mémoire. Ce qu'il s'empresse bien de taire à ses supérieurs, qui auraient tôt fait de l'exclure manu militari de la police londonienne. Revenu à la vie professionnelle, il doit mener parallèlement une enquête sur le meurtre d'un jeune aristocrate, survivant de la bataille de Crimée, et sur lui-même...



Premier opus de la série culte mettant en scène le détective amnésique William Monk dans le Londres des années 1850.

J'ai découvert la série Charlotte et Thomas Pitt il y a quelques années, avec une amie. Parallèlement, ma sœur se lançait dans la série  William Monk. Elle m'avait prêté ce premier tome et je n'ai pas accroché, je n'en ai pas lu à l'époque plus de quelques chapitres.
Je pense, qu'en pleine découverte des aventures de Charlotte et Thomas Pitt, je trouvais, en comparaison,  l'univers de William Monk un peu trop froid, trop austère.

Aujourd'hui ce n'est plus le cas. J'ai au contraire beaucoup apprécié ce premier tome. Les enquêtes de William Monk se déroulent entre 30 et 40 ans avant celles de Charlotte et Thomas. Je dirais que l'univers de Monk - du moins dans le tome 1 - est plus masculin. Il est célibataire, vit seul, est essentiellement entouré de collègues masculins. Certes il croise des femmes en menant son enquête, mais il ne va pas papoter dans les salons comme Charlotte, Emily, Caroline ou tante Vespasia.

Le tome 1 s'ouvre ainsi : 
Un homme reprend conscience dans ce qu'il croit d'abord être un asile de nuit, mais qui est en fait un hôpital londonien. Il a le bras gauche couvert de bandages et a oublié jusqu'à son propre nom. Nous sommes fin juillet 1856. La police est passée à l'hôpital pendant qu'il était inconscient, révélant son identité : William Monk. Pendant quelques heures, il craint d'être un truand et d'avoir "la rousse" à ses trousses, mais une nouvelle visite d'un policier, l'inspecteur Runcorn, lui apprend fortuitement qu'il appartient lui aussi à la police. Il a eu un accident de cab trois semaines auparavant, accident dans lequel le cocher a succombé. Dès lors, William Monk comprend qu'il devra soigneusement dissimuler son amnésie à ses collègues, sous peine de perdre son travail.

Trois jours plus tard, Monk est dehors :
     A présent, il se retrouvait sur les marches avec huit shillings et onze pence dans sa poche, un mouchoir en coton et une enveloppe portant son nom et l'adresse "27, Grafton Street". Elle contenait un reçu de son tailleur.

Ce que j'aime particulièrement dans ce premier volet, c'est qu'on découvre Monk en même temps que lui-même. Il semble régner un certain mystère autour de sa personnalité : il habite un appartement confortable mis un peu impersonnel, découvre qu'il a une sœur dans le Northumberland avec qui il a peu de rapports -elle lui écrit régulièrement mais il ne lui répond pas et ne va pas souvent la voir - il s'habille comme un gentleman et semble à l'aise avec les codes qui leur sont propres sans parvenir à se souvenir d'où lui vient cette connaissance étant donné qu'il est d'un milieu social inférieur. Il se semble pas très apprécié de ses collègues, nous avons au départ l'image d'un homme un peu froid, qui a certainement été assez arrogant et que ne semble pas avoir vraiment d'amis. Son seul allié sera son nouveau collègue John Evan.

En effet, dès que Monk se trouve apte à reprendre son travail, on lui confie une affaire de meurtre dont s'occupait l'inspecteur Lamb avant de tomber malade. Un jeune aristocrate, Joscelin Grey, survivant de la guerre de Crimée, a été assassiné dans son appartement, le visage quasiment réduit en bouillie. Seules deux visiteurs ont été vus dans l'immeuble ce soir-là, une jeune femme trop frêle pour avoir commis le crime et un homme qui se rendait chez un voisin.
Par ailleurs, Monk semblait avoir commencé à mener une enquête pour Mrs Imogen Latterly, dont le père s'est suicidé et dont le frère  a été tué à la guerre de Crimée. La belle-sœur d'Imogen, Hesther Latterly, est une jeune femme énergique, qui s'est engagée comme infirmière pendant la guerre de Crimée. Personnellement, je trouve qu'elle a beaucoup de points communs avec Monk : tous deux sont volontaires, d'un caractère énergique, ne mâchent pas leurs  mots et tous deux sont en décalage avec leur milieu social.

Comme dans la série Charlotte et Thomas Pitt, on retrouve l'animation des rues londoniennes avec les cochers, les petits balayeurs, les mercières ambulantes et l'ambiance de cette époque.

J'ai trouvé que cette première enquête de William Monk était de bonne facture, l'amnésie du policier et le mystère qui entoure sa vie étant un plus indéniable.


Lu pour le challenge British Mysteries dont le thème mensuel était :  Anne Perry

Petit_Speculoos a lu Rutland Place (série Charlotte et Thomas Pitt)


Cette lecture entre également dans le cadre des challenges suivants : Challenge XIXème siècle chez Fanny,  Challenge Victorien chez Arieste,  challenge La plume au féminin chez Opaline, I love London chez Maggie et Titine  et  challenge Petit Bac 2014 chez Enna (ligne romans policiers, catégorie OBJET avec le mot MIROIR dans le titre)

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